Le Contemporaliste

Curateur de bien-être et art de vivre masculin depuis 2012

Première médiatique de CALIGULA au TNM: l’errance et la folie!

Rédigée en 1938 par Albert Camus, la pièce Caligula nous plonge dans l’univers de Caius César, cet empereur romain fou et sanguinaire ayant vécu à Rome de l’an 12 à 41. L’idée de monter cette pièce vient du comédien Benoît McGinnis, qui a proposé au metteur René Richard Cyr de s’atteler à cette tâche colossale. D’emblée, l’originalité et l’intérêt de cette œuvre de Camus réside dans sa vision existentialiste du pouvoir. Aux dires de l’écrivain lui-même, le style romain était à éviter pour la mise en scène de cette pièce. Dès lors, la transposer sur scène n’est pas une mince affaire!

Ayant perdu tragiquement l’unique amour de sa vie, Drusilla (Rébecca Vachon), sa sœur avec qui il entretenait une relation incestueuse, l’empereur Caius (Benoît McGinnis) a perdu par la même occasion tous ses repères. Il erre sans fin dans sa tête, en proie à une souffrance infinie. Ne croyant plus en rien, surtout pas au Ciel, il décide de se servir du pouvoir pour montrer en quelque sorte l’absurdité de l’existence sur terre et la médiocrité de l’être humain. Dès lors, il se métamorphose en Caligula, un véritable tyran, pillant, assassinant et violant, sa cruauté ne connaissant aucune limite. Pour le soutenir dans ses actes de barbarie, il peut compter sur Hélicon (excellent Éric Bruneau!), son esclave affranchi, ainsi que sur sa fidèle maîtresse Caesonia, jouée par Macha Limonchik qui s’avère méconnaissable avec sa chevelure d’ébène. Ses premières victimes sont les sénateurs, aussi lâches et peureux que perfides, qu’il s’amuse à martyriser de toutes les manières possibles. La seule voix de la raison demeure le jeune Scipion (Benoît Drouin-Germain), aussi pur dans le bien que l’est Caligula dans le mal. Toujours est-il que la folie de l’empereur ne semble pas connaître de limite et s’éternise, comme s’il cherchait désespérément à ce qu’on mette fin à ses souffrances en l’assassinant.

D’emblée, on remarque la sobriété des costumes (signés Louise Cardinal) et le dispositif scénique à deux niveaux. Le premier niveau consiste en un décor épuré et minimaliste, qui prend place dans une espèce de sous-sol de palais très sombre et glauque, où se déroule tout cet exigeant spectacle d’une durée de 1h45 sans entracte. Au-dessus du palais se trouve l’univers des dieux, tout  irradié de blanc, auquel personne n’a accès et qui s’avère fermé à double tour. Hormis la musique de Michel Smith tonitruante et agressante – et pertinente -, la mise en scène plutôt austère de René Richard Cyr confère une place de premier choix au texte de Camus et à l’interprétation haute en couleur des acteurs. Ses choix créatifs permettent d’universaliser davantage le texte de Camus et de nous questionner sur les dérives du pouvoir et les petites médiocrités de l’homme. Car Cyr nous fait voyager, mais on ne se sent point à l’époque de César : on a plutôt l’impression de demeurer à notre époque, caractérisée par la politique-spectacle du qui en met le plus plein la vue. Bref, on se trouve devant un miroir de notre époque très dérangeant. C’est probablement ce qui fait que la pièce relève sa mission avec brio!

 Du 14 mars au 12 avril 2017 au Théâtre du Nouveau Monde de Montréal.

http://www.tnm.qc.ca/piece/caligula/

Crédit photo : Yves Renaud

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