« Les chaises » de Ionesco : magistral!
Vieux et Vieille, vivant seuls au monde sur une île déserte, s’ennuient à mourir. Leur existence se caractérise par le vide sidéral. Chacune de leurs journées est identique à la précédente (depuis près de 75 ans!) et ils répètent constamment les mêmes gestes et paroles. Voulant combler la vacuité de leur vie et l’angoisse de leur mort imminente, ils imaginent alors un scénario dans lequel ils inviteront une pléthore de personnes, notamment l’Empereur, et où Vieux prononcera le discours le plus important de sa vie, qui lui servira à léguer ses mémoires. Pour ce faire, ils ont besoin de chaises afin que leurs convives puissent s’asseoir. C’est ainsi qu’ils installent frénétiquement une foule de chaises, alors que leurs invités invisibles, auxquels ils s’adressent constamment, ne cessent d’arriver.
D’emblée, le texte, absurde et décousu s’avère très dense et exigeant. Les deux vieux, incarnés avec brio par un Gilles Renaud et une Monique Miller en pleine forme, doivent déclamer le texte à un rythme d’enfer par le biais de leur dialogue à sens unique adressé aux personnages imaginaires qui se multiplient aussi rapidement que les chaises dans le décor. On embarque allègrement dans le délire de ces deux vieux, très attachants. On se fait happer par cette œuvre, agrémentée de plusieurs touches d’humour, notamment des répliques truculentes et mémorables proférées par ces deux vieux cherchant désespérément à s’ancrer dans le réel. Il y a également des moments touchants où les deux protagonistes, ayant des moments de lucidité les faisant sortir temporairement de leur imaginaire, nous montrent leur vulnérabilité et leur angoisse terrible devant le néant de l’existence.
Bien que cette œuvre soit difficile d’accès à la base, la mise en scène remplie de surprise de Frédéric Dubois et le jeu très dynamique des deux acteurs vétérans, heureusement pour nous, parviennent à donner vie au texte, provoquant ainsi de grands éclats de rire dans la foule et réjouissant les spectateurs au plus haut point. La finale, époustouflante, ne laissera personne indifférent.
Jusqu’au 2 juin au TNM de Montréal. Plus d’information (ici)