Pelléas et Mélisande : une mise en scène audacieuse et inventive
En 1893, Pelléas et Mélisande, du dramaturge belge Maurice Maeterlinck, est mis en scène pour la première fois sur les planches d’un théâtre parisien. Un siècle plus tard, c’est au tour du metteur en scène Christian Lapointe de récidiver.
Ce dernier a très bien compris la poésie symboliste de Maeterlinck. Dès le début, on est aspiré dans ce conte noir et mystérieux relatant l’histoire de Golaud (Marc Béland)), un veuf, qui, parti chasser dans la forêt, rencontre une étrange jeune fille, à la fois angélique et fragile et arborant une chevelure incroyablement longue. Mélisande (Sophie Desmarais) s’est enfuie d’on ne sait où et demeure muette sur ses origines. Toujours est-il qu’elle se laisse épouser et ramener au château par Golaud. Une fois là-bas, elle sombre rapidement dans la déprime. L’endroit est situé au beau milieu de nulle part, entouré par une nature hostile et rétive. Les seules créatures s’approchant du château, des bêtes ou des paysans, y laissent leur vie. Mélisande est comme un papillon lumineux et fragile attiré par la noirceur comme un aimant, et sa rencontre avec Pelléas (Éric Robidoux), le frère de Golaud, accentuera ce trait de personnalité. Pelléas est un être indécis et renfermé qui est déchiré entre l’envie de partir pour voir une dernière fois son ami mourant ou rester au château pour veiller sur son père malade. Entre Pelléas et Mélisande, un amour innocent et fragile naîtra. Et la jalousie de Golaud sera sans limite…
Dans cette mise en scène, Christian Lapointe perturbe les habitudes du public du TNM. Autant il respecte le côté statique du théâtre symboliste – les acteurs font presque toujours face au public et déclament la poésie de Maeterlinck -, autant il fait admirablement preuve d’inventivité. Il se sert notamment d’écrans opaques et transparents pour projeter en gros plan les visages des acteurs en même temps qu’ils parlent. À certains moments, ils chantent en hurlant, ce qui accentue le contraste avec la déclamation à voix basse. Il faut d’ailleurs souligner que la musique est aussi un narrateur : elle contribue à nous plonger dans l’atmosphère mystérieuse et envoûtante de cette pièce noire. Les décors, pour leur part, sont multiples : une maquette de château médiévale posée sur la scène est reproduite en arrière-plan sur un écran noir et blanc. Qu’on soit dans une grotte aux dédales de tunnels infinis ou dans la forêt, on s’y laisse prendre.
Quand on ressort profondément troublé d’une pièce comme celle-ci, c’est que le metteur en scène et les acteurs ont réussi leur tour de manière magistrale.
Du 12 janvier au 6 février 2016 au TNM à Montréal