Le Contemporaliste

Curateur de bien-être et art de vivre masculin depuis 2012

BILAN au TNM : un portrait fascinant d’une époque révolue

Pour la première fois en 50 ans, la pièce Bilan du défunt dramaturge Marcel Dubé (1930-2016) est présentée au Québec. Le metteur en scène Benoît Vermeulen s’est attaqué à cette pièce d’anthologie du théâtre québécois. Le défi était de taille!

Construite sous forme de tableaux, la pièce nous dévoile des personnages qui sont à l’heure des choix dans leur vie, plus particulièrement celui de prendre leur destin en main. William Larose (Guy Jodoin), un entrepreneur prospère parti de rien, organise une fête chez lui, un soir de l’année 1960, en compagnie de sa femme, Margot (Sylvie Léonard), pour célébrer son entrée en politique au sein de l’Union nationale, parti qui a connu une terrible déconfiture deux mois plus tôt. En apparence, son pouvoir sur sa femme et ses trois enfants ainsi que sur ses associés semble inébranlable. Cependant, il s’apprête à découvrir que cette ascendance sur son entourage s’apprête à s’effondrer, étant donné qu’il n’a pas vu venir les changements majeurs qui sont sur le bord de survenir dans les années 1960. Sa fille Suzie (Rachel Graton), qui n’en peut plus de son mari Robert (Mathieu Quesnel), s’apprête à se défaire définitivement de son emprise pour s’enfuir avec son amant, le très libertin Raymond (Jean-Philippe Perras). Son fils aîné, Guillaume (Mickael Gouin), décide d’épouser Monique, une fille de rien (Christine Beaulieu), et son autre fils, Étienne (Jonathan Morier), se tue tragiquement dans un accident de voiture en compagnie de son amie de cœur. Finalement, le clou de la soirée : sa femme le trahit en vivant une romance avec son associé Gaston (Philippe Cousineau). En l’espace de quelques semaines, le monde de William Larose s’écroule… celui des magouilleurs de l’ère de Maurice Duplessis.

Le travail de Vermeulen rend bien justice à cette œuvre importante de la dramaturgie québécoise, qu’il est parvenu à bien adapter à notre époque, tant grâce à son travail d’adaptation sur la langue que pour l’enchaînement des différents tableaux, dans lequel on n’observe aucun temps mort. En effet, la mise en scène est une véritable réussite, dans la mesure où Vermeulen parvient à créer une ambiance à la fois mélancolique et drôle, où les personnages, qui font face aux spectateurs, sont chacun confrontés à leur destin. La scénographie, plutôt originale, vient appuyer la mise en scène de manière ingénieuse. En effet, dès le lever du rideau, on constate qu’une grosse télévision fait face à la scène. Des scènes d’archives audiovisuelles en noir et blanc y sont projetées, ainsi que dans le haut de la scène. La référence à la télévision serait-elle un clin d’œil aux Beaux dimanches de Radio-Canada où les pièces de Dubé étaient souvent présentées? Toujours est-il qu’à la manière d’un téléroman, on est plongé dans l’intimité et les préoccupations des personnages, à cette période précise de leur vie. Les trois parties de la pièce, chacune représentée de manière distincte, reflètent d’ailleurs très bien les choix auxquels sont confrontés chacun des personnages. Lors de la fête très alcoolisée de la première partie de l’œuvre, les personnages évoluent dans une sorte de gestuelle dansée entrecoupée de dialogues dans lesquels on découvre leurs secrets. Si dans la deuxième partie la télévision est à l’honneur, on se rappellera particulièrement de la troisième partie, dans laquelle les acteurs apparaissent et disparaissent dans une sorte de fumée qui confère une atmosphère mystérieuse à la présentation.

Le constat est manifeste : Vermeulen a su relever le défi de taille qui consistait à dépoussiérer une pièce phare de la dramaturgie québécoise. Il a insufflé de la vie à une œuvre à laquelle personne n’avait touché depuis plusieurs décennies. Il faut également souligner les performances remarquables de Guy Jodoin et Sylvie Léonard. À voir sans aucun doute!

Du 13 novembre au 8 décembre 2018 au Théâtre du Nouveau Monde

Crédit photo : Yves Renaud

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